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Actualité – Éditeurs

L’impression au plus près de la demande par les Éditions La Butineuse


photo L’impression au plus près de la demande par les Éditions La Butineuse

Avant de créer en 2020 les Éditions La Butineuse à Auray (56), François Barnaud et Audrey Carpentier ont interrogé de nombreux professionnels du secteur du livre et d’autres secteurs pour imaginer une maison d'édition la moins impactante possible sur l'environnement ; très rapidement, les questions de la fabrication, du stockage et de la distribution ont émergé. Ils ont fait le choix d'intégrer l’impression « au plus près de la demande » à leur modèle économique. Avec cette méthode d'impression, le stock des livres est quasi nul et la distribution du livre est repensée, bousculant l'écosystème du livre. Encore peu connu, et n’ayant pas toujours une très bonne image, ce mode d’impression peut-il être considéré comme vertueux, et proposer une alternative intéressante ?

Les Éditions La Butineuse sont basées à Auray (56) leur ligne éditoriale interroge l’impact des activités humaines sur l’environnement. La maison d’édition se distingue aussi par sa stratégie d’impression et son recours à des tirages au plus près de la demande afin de limiter le surstockage et surtout d’éviter le pilon.

Pour sa distribution principale, les Éditions La Butineuse gèrent leur stock en flux tendu. Les ouvrages sont principalement imprimés à l’imprimerie Corlet en Normandie qui a beaucoup investi dans sa chaîne d’impression numérique, en quantités contrôlées. Des réassorts qui peuvent aller de 20 à 400 exemplaires en fonction des titres et de leur évolution sont lancés au fur et à mesure des commandes. Fin 2022, elles ont cependant utilisé pour la première fois une chaîne de fabrication offset, auprès du Groupe Cloître dans le Finistère, car la quantité de précommandes de l’un de ses titres le permettait.

La maison d’édition a fait le choix de la vente en direct, elle s’auto-diffuse et s’auto-distribue, avant tout pour créer des relations directes aussi bien avec ses lecteurs qu’avec les acteurs du livre. Leur idée est d’être identifiés, à l’échelle locale, régionale, nationale, et internationale, par les individus, les institutions et les entreprises.
Les livres sont également distribués au format numérique, afin d’assurer une disponibilité permanente des contenus. Grâce à un partenariat avec la plateforme, les ouvrages sont mis en ligne à leur publication sur CAIRN, très largement diffusée dans le monde universitaire et institutionnel, ce qui permet un accès gratuit au point d’usage à des centaines de milliers de personnes, et notamment des étudiants et des jeunes.

L’éditeur a conscience que cette forme d’impression n’est pas forcément adaptée à toutes les maisons d’édition. Si le numérique fait beaucoup de progrès, elle n’autorise pas tous les formats et les façonnages. S’en emparent ainsi des maisons d’édition ayant une production « plutôt standardisée ». Le rapport coût/service est cependant selon lui très attractif. En ayant recours à cette méthode, l’objectif est bien de « s’ajuster à une distribution du catalogue réelle et non rêvée, en s’allégeant de la gestion du stock, en évitant le pilon, et surtout aussi de produire en France, auprès d’une entreprise familiale, avec les meilleurs papiers possibles. »

Cette méthode permet également à la maison d’édition de mettre à jour les contenus plus rapidement. Le livre devient vivant, les ouvrages sont ajustés en permanence. François Barnaud souligne que cela implique une relation différente aux auteurs, auxquels les éditeurs ne peuvent garantir de « tirage initial », une notion contractuelle. « Les personnes avec lesquelles nous collaborons comprennent notre approche et ne sont pas obsédées par le chiffre de tirage initial, fantasme historique des auteurs. »

Cela questionne également la pratique de l’office en librairie, qui impose une mise en place et pousse les tirages, quitte à provoquer des retours considérables. Face à la surproduction, qui s’accompagne d’une baisse du tirage moyen, ce mode d’édition traditionnel est questionné.

L’éléphant au milieu de la pièce, dont personne ne veut parler, c’est bien sûr Amazon. À la base, les Éditions La Butineuse auraient préféré s’en passer totalement, mais ce n’est pas si simple lorsqu’on est éditeur de livres. Tout d’abord, Amazon référence vos livres « de force », en allant chercher les notices sur les autres services du livre, comme Dilicom et ou Electre. Et lorsque vous ne leur proposez pas la vente de votre livre, il est noté « indisponible » ce qui est extrêmement gênant : beaucoup d’internautes ne feront pas l’effort de vérifier ailleurs si cette information est correcte ou non. D’autre part, boycotter Amazon, c’est aussi se couper d’une partie du public qui n’a peut-être pas beaucoup d’autres moyens à sa disposition pour acheter des livres. Quoiqu’on en dise, il y a également fort à parier aussi que beaucoup d’acheteurs via d’autres canaux, y compris les librairies indépendantes, ont découvert des titres via Amazon en premier lieu. Enfin, et c’est là que le bât blesse le plus, pour les éditeurs de petite taille, et a fortiori ceux qui ne sont pas dans les grands systèmes de diffusion distribution ultra-centralisés, Amazon est une plateforme agnostique. On peut vraiment y acheter tous les livres, de façon égale, ce qui est très loin d’être le cas dans l’intégralité des librairies indépendantes qui vont parfois rechigner à commander des livres hors des circuits habituels pour toutes sortes de raisons : manque de temps, incertitude sur la remise, surcoût de transport, etc.

La maison d’édition a donc fini par se décider à y référencer ses titres, mais en passant par le programme d’Amazon Kindle Direct Publishing : les livres ne sont donc pas en stock, ils ne transitent pas, et sont tirés et livrés au fur et à mesure des commandes. Pour François Barnaud, « sur le plan de l’impact, c’est plutôt efficace puisque nos ouvrages, publiés simultanément en anglais et en français, sont ainsi imprimés dans la plateforme la plus proche de l’adresse de livraison et directement envoyé aux clients où qu’ils soient dans le monde. Nous pouvons aussi expédier un livre aux États-Unis, que notre imprimeur français nous aura livré auparavant, mais l’alternative « locale » est quand même crédible. On ne soutient pas le système d’Amazon et nous ne voudrions en aucun cas être 100% dépendants de lui, mais il faut quand même regarder le service qu’il rend avec lucidité."

Un projet pilote est lancé, nommé Gutenberg One, en partenariat notamment avec les éditions L’Harmattan, pour qui le prestataire fabrique des livres à la demande. Ce projet est encore très jeune et il devra, pour se déployer, attirer une large adhésion notamment de la part des éditeurs et des différents acteurs, ce qui sera extrêmement difficile dans un univers aussi fermé et concentré que celui de l’édition et de la distribution. Toutefois, d’après l’éditeur, la POD pourrait se développer. Elle existe à l’international mais n’est pas encore mise en place en France. Le groupe anglo-saxon Ingram assure avec Lightning Source et les Espresso Book Machines de la POD pour l’édition mondiale. En France, cela demeure marginal.

Le modèle de la POD, même avec ses limites, pourrait intéresser de nombreux éditeurs et libraires car il peut permettre une offre crédible face à Amazon, en rendant disponibles localement des livres difficiles à obtenir autrement. Sans même parler de dimension environnementale, il mérite aussi d’être étudié dans un contexte de coûts croissants des matières premières, comme de ceux de l’énergie, nécessaires pour la fabrication, le transport ou le pilon. « Le coût du papier explose, et plus généralement les coûts de fabrication. Même lorsque les livres paraissent simples à produire, les marges diminuent. Le public n’a en revanche pas de notion réelle du coût des produits. Les éditeurs ont choisi d’imprimer de plus en plus loin, ce que la plupart des clients ignorent. »

Si la maison d’édition La Butineuse est jeune, ses acteurs ont une longue expérience de l’univers du livre numérique et imprimé dans différents contextes, nationaux et internationaux. Leur ligne éditoriale consiste à aborder les questions de l’impact des activités humaines sur le monde de façon concrète, pratique, et sans a priori. Dans leur mise en œuvre, ils expérimentent de nouveaux modèles, en étant conscients du fait qu’il s’agit d’un chemin, et qu’aucune solution n’est idéale.

Consulter le site web de la maison d'édition

Une interview réalisée en novembre 2022