"En Outre" est une pièce courte de cirque qui prend le risque du renversement : déplacer nos pratiques, évacuer nos certitudes, résister à nos habitudes. Cette pièce invite détenus et artistes à expérimenter le porté acrobatique, un art qui questionne la confiance, le respect mutuel et les rapports humains. Une représentation a été proposée en juin aux détenus du centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur. Dans la continuité, des détenus ont été invités à participer à trois jours d'ateliers d'initiation au porté acrobatique. Les participants ont appris à s’appuyer les uns sur les autres, à communiquer par le corps et à dépasser leurs habitudes et préjugés. Ces moments ont permis d’aborder des thèmes comme l’égalité, le vivre-ensemble et la bienveillance, tout en transformant temporairement la salle de sport en un véritable espace de création et de partage.

En lien avec la diffusion en milieu pénitentiaire du spectacle, l'objectif était d’échanger avec les détenus autour de différents préjugés sociétaux (liés au genre, au milieu social et professionnel, à l’âge, …). Cet échange a eu vocation à s’ouvrir sur les questions de la relation à l’autre et du vivre ensemble. En effet derrière les barreaux les questions d’égalité entre les hommes et les femmes demeurent une préoccupation importante. La lutte contre le sexisme est aujourd’hui au cœur des enjeux d’une réinsertion réussie.

Emmanuelle Le Ménac'h, la coordinatrice culturelle de la Ligue de l'enseignement 56, en charge de l'action culturelle au centre pénitentiaire de Lorient-Ploemeur a mis en place cette action en partenariat avec Trio…S théâtre du Blavet à Inzinzac-Lochrist. Elle raconte :

" Et si le F2, salle d’atelier devenue salle de sport et de formation se transformait en salle de spectacle ?

Nous sommes arrivés le matin pour installer les gradins et les tapis, une fois le plateau mis en place Marie et Julien s’échauffent.
14h30, 22 détenus arrivent dans la salle, Julien avec son costume fait rire et surprend. Les spectateurs s’installent, je dis un petit mot d’introduction, Jean-François (directeur du Trio…S) également.

Le spectacle, surprend, fait réagir dans la salle, des paroles sont lancées et des rires pouffés. Pendant tout le spectacle c’est Marie, plutôt d’un petit gabarit qui porte Julien, grand et fort. A eux deux ils nous montrent la fragilité, les possibles mais surtout le respect de l’un et de l’autre.

A la fin les détenus réagissent, en disant que lorsque l’on n’est pas mari et femme on ne peut pas se toucher comme cela. Marie et Julien indiquent que lorsqu’il jouent ils incarnent un personnage, ils expliquent pourquoi ils ont créé ce spectacle sur le respect du toucher, l’intention d’être porté sans faire mal à l’autre. Le débat est lancé…certain prennent plus la parole que d’autres. Tout le monde reprend le chemin de la sortie, les plus silencieux nous remercient en partant…

Puis le lendemain les ateliers démarrent. On se rencontre, on se présente, on échauffe les corps et pendant trois jours les participants vont apprendre comment on peut marcher, s’appuyer sur un corps sans faire mal, en prenant des appuis bien précis. Chacun devant communiquer à l’autre, réel travail de confiance, confiance en soi mais également à l’autre, celui qui porte et celui qui est porté. Petit à petit les participants n’ont plus peur des regards des uns et des autres, mais il est quand même dit : ‘’Ce qui se passe au F2 reste au F2’’. Une discipline qu’il ne connaissait mais qu’ils n’oublieront pas de sitôt. Une façon d’apprendre sur soi et sur l’autre dans le respect et la bienveillance.
Un participant dira plus tard :"c’est sûr on a vu le plafond de près…"